Élections présidentielles 2025 au Cameroun : Paul Biya sous tension face à une scène politique en ébullition

À quelques mois de l’élection présidentielle prévue en octobre 2025, le Cameroun entre dans une période de forte turbulence mais aussi de reconfiguration politique. Le président Paul Biya, à la tête du pays depuis 1982, n’a toujours pas officialisé sa candidature, mais ses récentes sorties sur les réseaux sociaux entretiennent le suspens. Pendant ce temps, l’opposition s’active de nouveau, de nouvelles figures politiques émergent, et des voix discordantes se font entendre jusque dans son propre parti. 

Une stratégie numérique en lieu et place d’une déclaration officielle ? 

À 91 ans, Paul Biya reste l’un des plus anciens chefs d’État en exercice dans le monde. Pourtant, malgré les rumeurs persistantes autour d’une possible nouvelle candidature, aucune annonce officielle n’a toujours été faite. Le président camerounais multiplie toutefois les publications sur les réseaux sociaux notamment X. Une  stratégie de communication numérique qui contraste avec le silence habituel de celui que la population surnomme le « sphinx d’Etoudi »  et qui pourrait bien annoncer une nouvelle tentative de reconduction à la tête de l’État.

Cependant, cette présence accrue en ligne ne parvient pas à masquer les tensions grandissantes autour du pouvoir. Dans un contexte socio-économique dégradé, marqué par la pauvreté, l’exode de la jeunesse en particulier au Canada et en Allemagne ainsi que les nombreux scandales familiaux, le maintien de Paul Biya à la tête du pays interroge plus que jamais.

Une opposition mobilisée malgré les entraves

L’un des signes les plus révélateurs de ce climat d’incertitude reste la montée en puissance des mobilisations autour de l’opposition. Maurice Kamto, leader du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) et arrivé deuxième à la présidentielle de 2018, continue de cristalliser les espoirs d’une partie de la population. Sa rencontre  prévue à Douala le 08  juin avec ses partisans a d’ailleurs été annulée et suscité l’intervention d’éléments de force de sécurité malgré la mobilisation de milliers de militants. À noter qu’à Paris, le 31 mai, il avait déjà pu mobiliser plusieurs camerounais de la diaspora à la place de la République, confirmant ainsi sa popularité grandissante. 

Une autre figure de l’opposition se démarque également dans cette bataille politique :Cabral Libii. Âgé de 44 ans, il a été investi en mai 2025 comme candidat du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN). Arrivé troisième au scrutin de 2018, il pourrait incarner le renouveau générationnel face à Maurice Kamto et Paul Biya. 

Plus encore, sa participation à l’investiture de Bassirou Diomaye Faye au Sénégal en 2024 envoie un signal fort : celui d’un alignement assumé avec une nouvelle génération de dirigeants africains décidés à bouleverser les règles du jeu.

Une majorité fragilisée dans ses propres rangs 

Le départ d’Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre et fidèle parmi les fidèles du régime, marque une rupture profonde. Candidat déclaré à la présidentielle, il a dénoncé dans un discours il y a deux semaines à Garoua  « la misère ambiante », « chômage endémique » et  la « déshérence des jeunes ». Sans jamais nommer Paul Biya, il a appelé à « tourner  la page de quarante ans de souffrance« provoquant une onde de choc dans le Grand Nord, région historiquement acquise au pouvoir.

Cette fracture s’illustre aussi dans les débats internes à l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), alliée du RDPC depuis 28 ans. Sous la pression de sa base, son président Bello Bouba pourrait être contraint de mettre fin à cette alliance. Une réunion décisive du comité central est prévue pour le 28 juin. Si la rupture est actée, elle pourrait rebattre les cartes dans cette région clé du pays.

Une famille présidentielle sous les projecteurs

En parallèle des soubresauts politiques, les scandales touchant la famille présidentielle ont fini d’éroder la stature du chef de l’État. Le 30 juin 2024, Brenda Biya, fille du président, faisait son coming out sur les réseaux sociaux. Une révélation qui, dans un pays où l’homosexualité est passible de cinq ans de prison, a relancé le débat sur les contradictions du pouvoir et l’hypocrisie des lois en vigueur.

À cela s’ajoute sa condamnation en Suisse en mai dernier, une affaire qui a aussi révélé le style de vie somptueux de la famille Biya à Genève. Des informations qui ont choqué la population camerounaise de plus en plus confrontée à l’inflation et au  chômage. 

Conclusion : une élection sous haute tension

Entre la lassitude d’une population en quête de changement, l’émergence de nouvelles figures politiques et les lignes de fracture au sein même du régime, le scrutin de 2025 pourrait marquer un tournant historique pour le Cameroun.  Si Paul Biya venait à se représenter, il affronterait non seulement une opposition revitalisée, mais aussi une jeunesse de moins en moins disposée à accepter le statu quo. Le compte à rebours est donc  lancé.



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