RDC-Rwanda : un accord de paix sous parrainage américain, pour quel prix ?
Le 28 juin dernier, la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda ont signé à Washington ce que d’aucuns qualifient d’« accord historique ». Le texte, censé mettre un terme à des décennies de violences dans l’est du Congo, suscite autant d’espoirs que de suspicions. Car derrière les promesses de désarmement et de coopération régionale, se dessine une réalité géopolitique bien plus complexe : celle d’une mainmise croissante des États-Unis sur les ressources congolaises.
Une paix mise en scène à Washington
Le décor est soigneusement choisi. Washington, capitale d’un monde désormais multipolaire, accueille les dirigeants congolais et rwandais pour sceller un accord présenté comme le fruit d’un long processus diplomatique. Officiellement, il s’agit d’un pas vers la paix dans les provinces ravagées du Nord-Kivu et de l’Ituri, territoires livrés aux exactions de groupes armés, dont le tristement célèbre M23.
Mais les sceptiques, eux, s’interrogent. Pourquoi maintenant ? Pourquoi sous l’égide américaine ? Et surtout, à quelles contreparties la RDC a-t-elle consenti ?
Les États-Unis, arbitres ou bénéficiaires ?
À y regarder de plus près, l’intérêt des États-Unis ne relève pas du simple altruisme diplomatique. Dans un contexte de compétition exacerbée avec la Chine sur le continent africain, Washington semble déterminé à renforcer ses positions stratégiques, notamment dans les secteurs jugés critiques pour la transition énergétique mondiale. Cobalt, lithium, coltan : ces minerais indispensables à la fabrication de batteries et de technologies de pointe se trouvent en abondance dans les sous-sols congolais.
Selon plusieurs sources proches du dossier, des concessions minières dans le Nord-Kivu et le Haut-Uélé auraient été discrètement promises aux Américains en contrepartie de leur engagement diplomatique et sécuritaire. Un troc qui, s’il se confirme, poserait une question fondamentale : la RDC est-elle en train de céder sa souveraineté économique au nom d’une paix incertaine ?
Un accord sous tension
Le document signé repose sur trois piliers : le désarmement progressif des groupes rebelles, la relance de l’intégration économique régionale, et la création d’un mécanisme conjoint de sécurité, auquel participeront les États-Unis et le Qatar. Sur le papier, les intentions sont louables. Dans les faits, la réalité s’annonce plus compliquée.
Dès les jours suivant la signature, des violences ont été rapportées dans les territoires de Rutshuru et Masisi. Le M23 n’a pas officiellement confirmé son engagement au désarmement, et le Rwanda, souvent accusé par les Nations unies de soutenir cette rébellion, continue de nier toute implication.
La défiance est palpable. « Ce type d’accords a souvent servi à couvrir des formes modernes de prédation », prévient Christian Moleka, politologue congolais. « Le peuple n’a pas été consulté, et les volets économiques restent entourés d’un inquiétant flou. »
L’Afrique centrale à la croisée des chemins
Ce rapprochement RDC-Rwanda, orchestré depuis Washington, redéfinit les équilibres régionaux. Il acte aussi l’entrée directe des États-Unis dans le jeu politique et économique de la région des Grands Lacs. Certains y voient un retour en force bienvenu d’une puissance occidentale. D’autres, un nouveau visage du néocolonialisme.
Face à cette dynamique, des voix s’élèvent pour exiger un sursaut panafricain. Non pas pour rejeter systématiquement toute coopération extérieure, mais pour poser un cadre clair : celui d’un partenariat équitable, respectueux de la souveraineté des États africains.
Paix durable ou illusion stratégique ?
À moins de deux semaines de sa signature, il est encore trop tôt pour évaluer les retombées concrètes de cet accord. Mais une chose est sûre : entre l’aspiration légitime à la paix et les risques de spoliation économique, la RDC marche sur une ligne de crête.
Le gouvernement congolais, la société civile et les forces politiques du pays ont désormais une responsabilité historique : faire en sorte que cet accord serve réellement les intérêts du peuple congolais, et non ceux de puissances extérieures.
Car dans l’histoire récente de la RDC, trop de traités ont été signés au nom de la paix… pour mieux légitimer la dépossession.