Réintégration du Gabon à l’Union africaine : la bénédiction continentale d’un pouvoir consolidé

C’est un signal fort, autant politique que symbolique. Le 30 avril 2025, l’Union africaine (UA) a officiellement levé les sanctions qui frappaient le Gabon depuis le coup d’État d’août 2023. Une décision qui tombe à point nommé, à quelques jours seulement de la prestation de serment du général-président Brice Oligui Nguema. Ce retour dans le giron panafricain consacre la fin d’une mise à l’écart de près de vingt mois. Et il signe, au fond, bien plus qu’un simple acte diplomatique : c’est une reconnaissance implicite, voire un adoubement du nouvel homme fort de Libreville par ses pairs africains. Une victoire à la fois tactique et narrative.

La fin d’un isolement diplomatique savamment orchestrée

Suspendu en 2023 pour cause de rupture de l’ordre constitutionnel, le Gabon avait été, comme ses voisins sahéliens, mis au ban de l’organisation continentale. Mais à la différence du Niger, du Mali ou du Burkina Faso, les autorités gabonaises ont mené une opération séduction calibrée. Nouveau texte fondamental, réforme du code électoral, scrutin présidentiel organisé en un temps record… Même si l’opposition dénonce un processus verrouillé et une transition jouée d’avance, l’apparence du changement a suffi à rassurer Addis-Abeba.

La levée des sanctions, décidée à la veille de l’investiture, offre à Oligui un tampon de légitimité régional précieux. Une manière pour l’Union africaine de saluer un retour à l’ordre — même s’il est d’abord celui du nouvel ordre imposé par le chef de la Transition.

D’un uniforme kaki aux habits de président : la stratégie maîtrisée de Brice Oligui Nguema

Il fallait transformer un putsch militaire en un récit républicain. Et Oligui l’a fait avec méthode. En moins de deux ans, l’ancien patron de la Garde républicaine a non seulement pris le pouvoir, mais il l’a conservé, consolidé, puis reconquis par les urnes. Le tout dans une relative stabilité. Il en résulte une séquence politique quasi-parfaite : captation du pouvoir, réforme institutionnelle à sa main, et légitimation électorale.

Cette dynamique s’est accompagnée d’actes politiques forts, soigneusement mis en scène : annulation d’une partie de la dette intérieure, discours souverainistes, relance d’une compagnie aérienne nationale, et offensive de communication millimétrée. Le « Messi gabonais », comme certains l’ont surnommé, a su imposer sa narrative : celle d’un homme providentiel, réformateur et patriote.

Une réhabilitation politique… aux arrière-goûts de realpolitik

L’UA, qui a applaudi le « retour du Gabon dans la famille africaine », n’ignore pourtant rien des limites du processus. Dans un climat continental tendu, marqué par les transitions militaires à répétition, l’organisation continentale semble avoir choisi la voie du pragmatisme. Face à une transition jugée « apaisée », elle semble faire le pari de la stabilité, quitte à s’accommoder d’une démocratie de façade.

Car derrière la vitrine institutionnelle se cache un paysage politique cadenassé : figures d’opposition neutralisées, médias muselés, réformes taillées sur mesure pour faciliter la candidature d’Oligui. Ce retour à la table africaine pourrait bien s’apparenter à un chèque en blanc, sinon à un quitus prématuré.

Un retour sur la scène africaine, mais sous condition

L’intégration du Gabon n’est pas un blanc-seing. L’Union africaine, tout en saluant les efforts accomplis, observera avec attention les prochaines étapes. Les élections locales, la liberté d’expression, l’équilibre des pouvoirs, la réintégration des opposants politiques : autant de chantiers qui diront si la transition gabonaise a véritablement accouché d’un renouveau démocratique, ou si elle n’était qu’un habillage habile d’une concentration autoritaire du pouvoir.

Conclusion : une victoire politique… suspendue à l’épreuve du réel

Brice Oligui Nguema a remporté une double bataille : celle de la conquête du pouvoir et celle de sa reconnaissance continentale. En regagnant son siège au sein de l’Union africaine, le Gabon tourne symboliquement la page du putsch. Mais l’encre de cette normalisation est encore fraîche. Et c’est désormais dans la durée, à l’aune des actes plus que des mots, que se mesurera la légitimité véritable du régime.

L’heure du discours d’investiture approche. Et avec elle, celle des premiers arbitrages. Le peuple gabonais, tout comme ses partenaires africains et internationaux, attendent plus qu’une victoire narrative : ils attendent des preuves. Car l’histoire a souvent démontré qu’entre restauration et illusion, la frontière peut être mince.










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