Mali – Suppression des partis politiques : vers une confiscation durable du pouvoir par Assimi Goïta
Le 7 mai 2025, un décret signé par le colonel Assimi Goïta suspendait, « jusqu’à nouvel ordre », toutes les activités des partis politiques et des associations à caractère politique au Mali. Une mesure radicale, précédée le 30 avril par l’adoption en conseil des ministres d’un projet de loi abrogeant la Charte des partis politiques et la loi sur l’opposition.
Officiellement, la junte affirme vouloir préserver l’ordre public face à des querelles politiques jugées nuisibles. En réalité, cette suspension acte une nouvelle étape du basculement autoritaire entamé depuis le coup d’État d’août 2021. Et soulève une question cruciale : le pouvoir militaire malien compte-t-il jamais rendre le pouvoir ?
Une transition devenue régime
Initialement pensée comme une parenthèse pour rétablir l’autorité de l’État, la transition malienne s’est muée en système de gouvernance à part entière. Depuis sa prise de pouvoir, le colonel Goïta a repoussé les échéances électorales à plusieurs reprises, concentré les pouvoirs, dissous la Commission électorale indépendante en 2024, et muselé journalistes comme opposants.
La suspension des partis politiques est donc loin d’être une décision isolée. Elle s’inscrit dans une stratégie méthodique de neutralisation de toute alternative politique. Pour de nombreux analystes, il ne s’agit plus d’un encadrement de la vie politique, mais d’une tentative de verrouillage du pouvoir par l’appareil militaire.
Résistances internes et pressions extérieures
Malgré un climat de répression, la société malienne n’est pas restée silencieuse. Le 31 mars, plusieurs partis ont bravé l’interdiction pour organiser une manifestation à Bamako. Peu relayée par les médias locaux, sous étroite surveillance, la mobilisation a trouvé un écho sur les réseaux sociaux, signe que la colère gronde, même si elle reste contenue.
À l’international, la mesure a suscité de vives réactions. Le 8 mai, des experts de l’ONU ont exigé l’abrogation immédiate du décret, rappelant que la participation politique est un droit fondamental garanti par les traités ratifiés par le Mali. La CEDEAO et l’Union africaine dénoncent une dérive autoritaire, mais peinent à faire pression efficacement. Les logiques sécuritaires l’emportent encore sur les principes démocratiques.
Un verrouillage sans échéance
Aucune date électorale sérieuse n’a été fixée depuis l’abandon du calendrier de 2024. Le pays est désormais plongé dans un vide institutionnel propice à l’enracinement d’un pouvoir militaire sans contre-pouvoirs. Une partie de la population, lassée des élites traditionnelles, continue d'accorder un soutien tacite à la junte. Mais celui-ci semble s’effriter à mesure que l’étau se resserre.
Quelle sortie de crise ?
La suppression des partis politiques marque un tournant inquiétant. Le Mali avance à reculons sur le chemin de la démocratie, dans une dynamique de militarisation croissante. Le salut pourrait venir d’une pression interne accrue — notamment de la société civile — et d’un sursaut des partenaires régionaux et internationaux.
Sans cela, le pays risque de s’enliser durablement dans une gouvernance autoritaire où l’uniformité politique est imposée au nom de la stabilité. Et où l’État de droit devient une simple façade.