Vers un rapprochement accru entre le Burkina Faso et la Russie : le séjour très commenté d’Ibrahim Traoré à Moscou

Le capitaine Ibrahim Traoré, président de la transition burkinabè, a effectué une visite officielle remarquée de trois jours à Moscou. Reçu en grande pompe par Vladimir Poutine, il a su capter l’attention des observateurs internationaux et des médias, dont le nôtre.

Une visite hautement symbolique

Au-delà de l’agenda économique et militaire affiché, ce déplacement prend des allures de déclaration politique. Ibrahim Traoré a été accueilli en "guest star" par les autorités russes, comme le souligne Courrier international. Fidèle à son image de chef militaire, il s’est présenté en treillis, incarnant la rupture assumée avec les partenaires traditionnels du Burkina Faso, en premier lieu la France.

Ce séjour intervient dans un contexte de tensions persistantes avec les puissances occidentales. Depuis sa prise de pouvoir en septembre 2022, Traoré multiplie les signaux d’un réalignement stratégique : départ des forces françaises, rapprochement avec le Mali et le Niger au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), et désormais, tête-à-tête avec le Kremlin.

Un partenariat stratégique aux contours encore flous

Selon les canaux officiels, la coopération entre Ouagadougou et Moscou devrait s’intensifier dans deux domaines : la défense et la recherche scientifique. Le président burkinabè aurait plaidé pour un soutien militaire accru face à l’insécurité persistante sur le territoire, tout en mettant l’accent sur la formation des jeunes et le développement technologique.

Pour plusieurs analystes, cette visite n’a rien d’anecdotique. Elle s’inscrit dans la stratégie russe de consolidation de son influence en Afrique, notamment via des régimes militaires en quête de légitimité internationale — et de partenaires moins regardants sur la question des droits humains.

Entre quête d’indépendance et risque de nouvelle dépendance

Ce rapprochement soulève des interrogations légitimes. S’il incarne un rejet clair de l’ordre postcolonial, il pourrait aussi annoncer une bascule vers une autre forme de dépendance. Car si la rhétorique panafricaniste de Traoré trouve un écho favorable auprès d’une jeunesse avide de souveraineté, le choix de partenaires autoritaires comme la Russie interroge sur la cohérence du projet politique burkinabè.

Le président de la transition entend se présenter comme un chef d'État libre, porté par un projet de refondation radicale. Mais cette quête d’indépendance s’accompagne d’alliances peu démocratiques, qui pourraient renforcer un pouvoir hypercentralisé et restreindre l’espace politique au nom de la sécurité nationale.

Une diplomatie de rupture… sous surveillance

Ce séjour de 72 heures à Moscou dépasse le cadre d’une simple visite bilatérale. Il illustre une vision du monde où l’Afrique cherche à reprendre son destin en main, quitte à s’éloigner de ses partenaires historiques. Mais cette dynamique, portée par une rhétorique de rupture, devra encore prouver sa solidité sur le terrain : sécurité, développement, justice sociale.

Pour l’heure, le rapprochement entre le Burkina Faso et la Russie séduit une partie de l’opinion africaine, lassée des ingérences occidentales. Mais il suscite aussi une vigilance croissante de ceux qui redoutent que cette quête de souveraineté ne débouche sur un isolement stratégique ou une nouvelle dépendance.






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