Changer de cap à Belém : quelles ambitions pour l’Afrique à la COP 30 ?

L’édition 2025 de la conférence mondiale sur le climat, la COP 30, se déroule du 10 au 21 novembre à Belém au Brésil, une occasion unique pour  l’Afrique qui malgré sa faible contribution aux émissions globales, est parmi les plus exposés aux conséquences du changement climatique. À l’heure où les regards sont tournés vers l’Amazonie, c’est aussi une opportunité pour les pays africains de faire entendre leur voix, de défendre leurs intérêts et d’imaginer un avenir climatique mais aussi économique robuste.

L’Afrique face aux contradictions de l’ordre climatique

Depuis près de trente ans, les délégations africaines arrivent aux COP avec les mêmes chiffres, aussi implacables qu’ignorés : le continent ne représente que moins de 4 % des émissions mondiales, mais concentre plus de 60 % des populations les plus exposées aux dérèglements climatiques. À chaque sommet, la réalité se répète : moins de 10 % des financements internationaux consacrés à l’adaptation lui sont réellement destinés, alors même que l’Afrique absorbe toutes les crises structurelles du réchauffement — insécurité alimentaire, déplacements forcés, effondrement des ressources hydriques ou destruction des systèmes agricoles traditionnels.

La COP 30, actuellement en cours à Belém, ne fait que rappeler ce paradoxe devenu intenable. Si les délégations africaines continuent de souligner leur vulnérabilité, elles ne s’en contentent plus : elles revendiquent désormais une pleine capacité d’action et un droit légitime à un financement climatique juste, stable et prévisible. L’époque où l’Afrique apparaissait comme une victime à la recherche d’aide internationale semble toucher à sa fin. À Belém, le continent s’affirme davantage comme un acteur politique réclamant sa part, non pas en termes de bénévolat, mais de justice.

Le principe de responsabilité commune mais différenciée, souvent réduit à une formule diplomatique, retrouve ici toute sa force. Pour les pays africains, c’est une question de logique autant que d’équité : comment adapter des villes côtières menacées, transformer des systèmes agricoles fragilisés ou construire des infrastructures résilientes sans moyens financiers adéquats et sans réforme profonde de l’architecture financière mondiale ?

Belém : quand l’adaptation devient un projet de développement

L’un des changements perceptibles dans les prises de parole africaines à Belém est la volonté de renverser le récit dominant : l’adaptation n’est plus présentée comme un fardeau économique, mais comme un projet de développement, parfois même comme un véritable projet politique.

Les délégations mettent en avant des chantiers structurants : agriculture intelligente face au climat, corridors logistiques conçus pour résister au stress hydrique, transformation locale des minerais critiques, émergence d’industries vertes.
Autant de domaines où l’Afrique ne cherche plus à survivre, mais à se positionner stratégiquement dans la transition mondiale.

Cette dynamique est soutenue par une présence visible et organisée de la jeunesse africaine. Venue du Bénin, du Sénégal, de Côte d’Ivoire et d’autres pays, une génération déterminée, multilingue et très politisée occupe le terrain à Belém. Leur message est clair : l’adaptation n’a de sens que si elle crée des emplois, renforce les communautés locales et s’accompagne d’une redistribution équitable des bénéfices. Ce changement narratif est crucial. Il fait basculer l’Afrique du statut de bénéficiaire passif à celui de porteuse d’une vision cohérente et de priorités nettes.

La bataille cruciale du financement : entre promesses et impatience

Belém révèle une nouvelle fois les fractures persistantes du système climatique mondial.
Les pays africains rappellent que les engagements annoncés depuis 2009 notamment la promesse des 100 milliards de dollars par an pour soutenir l’adaptation n’ont jamais été pleinement tenus.

Pire encore, une large partie des financements mis à disposition prend la forme de prêts, alimentant une spirale d’endettement climatique pour des pays déjà sous pression budgétaire. D’où l’exigence que la majorité des financements climat destinés à l’Afrique soient désormais des subventions ; que les fonds d’adaptation soient plus accessibles  et que les banques régionales africaines  se voient confier un rôle central dans la redistribution.

Cette bataille dépasse largement les aspects techniques : elle conditionne la capacité même du continent à se préparer aux chocs climatiques  à venir. Sans financement, pas d’infrastructures résilientes, pas de villes adaptées, pas de systèmes agricoles transformés. Belém a permis de remettre ce débat au cœur des discussions, mais les négociations en cours montrent que la route reste longue.

Conclusion : Cap sur Addis-Abeba,  la COP qui pourrait changer l’équation


Si la COP 30 marque une étape importante, c’est aussi parce qu’elle ouvre la voie à une échéance majeure : la COP 32 en Éthiopie, prévue en 2027. La perspective de cette conférence organisée sur le sol africain dans un pays symbole de résilience, d’intégration régionale et de diplomatie panafricaine change profondément la donne. Addis-Abeba pourrait devenir le lieu où l’Afrique ne sera plus seulement un objet de débat, mais un centre de décision et imposera un agenda africain clair, structuré et partagé,

Dans cette perspective, Belém apparaît presque comme une répétition générale : l’espace où l’Afrique affine ses positions, teste ses alliances, consolide son récit et mesure le rapport de force. La COP 32 sera l’heure de vérité où le continent exigera que les promesses répétées depuis des années deviennent enfin des actes, et où la justice climatique cessera d’être un slogan pour devenir une exigence internationale.



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