Passage en force de Samia Suhulu à la tête de la Tanzanie : de l’espoir à la répression des populations 

En 2021, la Tanzanie semblait entrer dans une ère nouvelle avec l’ascension de Samia Suhulu Hassan au pouvoir en tant que première femme présidente du pays après la mort de John Magufuli dont elle fut la vice-présidente. Samia Suhulu incarnait un symbole fort dans le paysage politique africain et mondial dominé par les figures masculines et autoritaires. Technocrate aguerrie, réputée pour sa discrétion et sa ténacité, Samia Suluhu promettait une rupture avec les méthodes brutales de son prédécesseur.  Sa doctrine des «  4R » : Réconciliation, Résilience, Réformes et Reconstruction, semblait offrir une vision d'une Tanzanie apaisée, ouverte et tournée vers la modernisation. Plusieurs tanzaniens et africains voyaient en elle une figure d’équilibre et de renouveau démocratique. Mais à peine quatre ans plus tard, cet espoir s’est mué en désillusion tragique.

Une réélection entachée de sang

Le scrutin présidentiel de 2025 censé confirmer la trajectoire d’ouverture de Samia Suhulu, a révélé un tout autre visage du régime qu’elle dirige. Le 01er  novembre 2025, le pays s’est réveillé en état de choc : selon la Commission électorale nationale indépendante, Samia Suluhu Hassan aurait été réélue avec 97,66% des voix dans un scrutin où avait été évincé tous ses opposants politiques. Derrière cette façade de victoire triomphale, la réalité est autrement plus sombre.

Les jours ayant précédé et suivi l’annonce des résultats ont été marqués par des violences meurtrières, des arrestations massives et des disparitions inquiétantes. Plusieurs quartiers de Dar es-Salaam et de Mwanza ont été bouclés par l’armée, tandis que des militants de l’opposition, notamment ceux du parti Chadema, ont été arrêtés ou portés disparus. Pour la communauté internationale et les observateurs de l’élection, le gouvernement Suhulu a mis en place une répression meurtrière visant à étouffer toute contestation du scrutin, évoquant des dizaines de morts et des centaines de blessés. 

L’ombre du CCM et la confiscation du pouvoir

Le Chama Cha Mapinduzi (CCM), au pouvoir depuis l’indépendance, reste le véritable cœur du système politique tanzanien. Sous John Magufuli, il avait déjà imposé une mainmise totale sur les institutions. Samia Suluhu, que beaucoup voyaient comme une réformatrice capable d’assouplir cette emprise, s’est vite retrouvée piégée par la logique d’un appareil d’État verrouillé.

Son passage de l’espoir à la continuité autoritaire illustre une mécanique bien connue sur le continent : la tentation de la légitimité par la force. Les institutions électorales, la justice et les médias sont désormais subordonnés au parti. L’espace civique, que Samia Suluhu avait promis de rouvrir, s’est refermé avec une brutalité d’autant plus inquiétante qu’elle se pare des apparences de la légalité.  

Derrière le discours officiel sur la stabilité nationale, toute voix discordante est muselée. Les journalistes indépendants sont poursuivis pour « atteinte à la sécurité de l’État », les ONG se voient imposer des procédures d’enregistrement paralysantes, et les critiques internes sont réduites au silence. Celle qui incarnait autrefois la modération est désormais accusée de prolonger, sous des formes plus feutrées, les méthodes coercitives de Magufuli.

De la réconciliation promise à la peur organisée

La tragédie tanzanienne tient à ce renversement : l’ouverture a cédé la place à la méfiance, la réconciliation à la surveillance, le dialogue à la peur. Ce glissement progressif a pris la forme d’une centralisation extrême du pouvoir exécutif. Les voix critiques, qu’elles viennent de la société civile, de l’opposition ou même du sein du CCM, sont désormais perçues comme des menaces à éradiquer. Ceux et celles qui  avaient salué Samia Suluhu comme un modèle féminin de leadership inclusif découvrent aujourd’hui une présidente barricadée derrière les forces de l’ordre. Les Tanzaniens, fatigués de décennies de continuité politique, voient s’éloigner la promesse d’une alternance réelle. L’élan d’espérance qui avait accompagné la doctrine des 4R s’est brisé sur le mur de la répression.

Conclusion : Une Afrique encore en quête de souffle démocratique

La Tanzanie rejoint ainsi la longue liste des nations africaines où la promesse d’alternance s’effrite au contact du pouvoir. De l’Éthiopie à l’Ouganda, du Cameroun à la Côte d’Ivoire, le scénario est connu : la continuité érigée en devoir, la répression justifiée par la peur du chaos.  

L’Afrique ne manque pourtant ni de talents ni de citoyens conscients ; elle manque d’institutions capables de résister à la tentation du pouvoir personnel. L’histoire de Samia Suluhu Hassan, passée du symbole d’espoir à celle de la dérive autoritaire, rappelle que le changement ne se mesure pas aux visages ou au genre, mais aux actes.  Samia Suhulu  avait promis la réconciliation ; elle dirige pour l’instant un pays fracturé, endeuillé et silencieux.




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