Hausse des violences en milieu scolaire au Gabon : focus sur l’affaire Warren 

Ce mois d’octobre aura été un mois noir pour le système scolaire  gabonais. En effet, en l’espace de quelques semaines, plusieurs vidéos d’une rare brutalité ont circulé sur les réseaux sociaux, exposant au grand jour la montée alarmante des violences en milieu scolaire. Coups, humiliations, règlements de comptes filmés et partagés sur les réseaux sociaux notamment Facebook  et TikTok ont fait la une de l’actualité. L’école, jadis sanctuaire du savoir, est ainsi devenu peu à peu le théâtre d’un chaos ordinaire.  L’affaire dite « Warren », du nom du jeune bachelier victime d’un passage à tabac, a cristallisé l’émotion nationale ces derniers jours  et ouvert le débat sur la faillite de l’encadrement éducatif, la perte de repères de plusieurs jeunes gabonais mais surtout la responsabilité de la justice et du ministère de l’éducation nationale. 

Une succession d’agressions qui choque le pays

Tout a commencé la semaine du 13 octobre dernier avec une série de vidéos devenues virales sur Facebook et TikTok, montrant des élèves gabonais se livrant à des violences physiques. Dans plusieurs lycées de Libreville notamment au lycée Georges-Mabignath et au lycée Paul-Indjendjet-Gondjout, des élèves se sont affrontés dans l’enceinte même de leurs établissements respectifs, sous les yeux de leurs camarades, qui n’ont pas hésité à filmer les différentes scènes et à les poster sur leurs réseaux sociaux. Ces images ont provoqué un véritable électrochoc dans l’opinion publique, interrogeant le rôle de l’école, des parents, mais aussi celui de la justice et de l’État.

Saisi de l'affaire, le parquet de Libreville a orchestré une série d'interpellations qui ont abouti à une décision d'une fermeté inédite : huit élèves ont été placés en détention préventive à la prison centrale de Libreville, le 20 octobre 2025. Au lycée Georges-Mabignath, les poursuites pour troubles à l’ordre public et atteinte à la vie privée ont conduit à trois mandats de dépôt et une liberté provisoire tandis qu’au lycée Paul-Indjendjet-Gondjout, les actes de violences et voies de fait ont débouché sur cinq nouveaux mandats de dépôt.

L’affaire Warren, la goutte de trop ? 

Le 25 octobre 2025, soit cinq jours après cette décision de justice inédite, une nouvelle vidéo d’une rare violence s’est retrouvée sur les réseaux sociaux. Warren, jeune bachelier 

de 15 ans, attitré dans un guet-apens par des camarades, a été violemment agressé par ses anciens camarades de classe : Evrard et Danou. Ces coups ayant  occasionné chez l’adolescent, plusieurs fractures du nez, de la mâchoire et des os du visage, dont la mâchoire déplacée. Les faits auraient été orchestrés depuis un groupe whatsapp créé pour lui donner une leçon et selon l’enquête se justifieraient par une jalousie à l’encontre du jeune homme souvent cité en exemple par ses professeurs. 

Si Warren a pu être secouru par un passant lors de ce passage à tabac, il a néanmoins dû subir une intervention chirurgicale et n’a pas pu se présenter selon les dernières informations à son rendez-vous pour obtenir un visa afin de poursuivre ses études supérieures à l’étranger. 

Une justice instrumentalisée par les puissants ?

Contrairement aux cas précédents où la justice avait rapidement pris ses responsabilités, l’affaire du jeune Warren est resté pendant quelques jours au stade embryonnaire et la juge initiale chargée de l'affaire, Madame Leïla Charlène Ndondo Ngossa, aurait traité l’affaire avec une certaine légèreté préconisant une mise en liberté provisoire des prévenus. Une légèreté qui a mis le feu aux réseaux sociaux. Car cette même magistrate avait déjà été pointée du doigt dans l’affaire Erwan Siadou. Deux affaires, deux jeunes victimes, mais toujours la même impression : celle d’une justice à deux vitesses, prompte à protéger les enfants des privilégiés. 

Sous la pression de plusieurs activistes et créateurs de contenus sur les réseaux sociaux, la juge a été finalement suspendue pour une période de trois mois par une ordonnance signée du président du tribunal de première instance, Monsieur Jean Gaël Doumbeneny. Selon les termes de l’ordonnance, la magistrate aurait reçu les parents du mis en cause en l’absence de ceux de la victime et aurait également délivré une ordonnance de placement à l’encontre de deux mis en cause tout en suspendant le reste de l’instruction pour cause de coupure d’électricité. Des agissements, qui traduisent, selon le président du tribunal, un manque de professionnalisme et de discernement, dans un contexte où l’affaire suscite une forte sensibilité sociale. 

Le 30 octobre, la justice a finalement joué le rôle qui était le sien : À l’issue de l’audience tenue au tribunal de Libreville, six des sept jeunes impliqués dans l’agression du jeune Warren ont été placés sous mandat de dépôt à la Prison centrale. Le tribunal a estimé qu’il y avait des charges suffisantes contre les principaux mis en cause pour justifier leur détention en attendant la suite de la procédure. 

Conclusion : L’école ou la jungle ? 

L’école doit redevenir un lieu de savoir, de respect et d’épanouissement, où chaque jeune peut apprendre en sécurité et dans la sérénité ». Président Oligui Nguéma 

L’affaire Warren  illustre parfaitement les défis auxquels le système éducatif gabonais et mondial est confronté. Si la justice a fini par réagir, la question reste entière : qui éduque encore au respect, à la discipline et à l’empathie ? L’école ne peut pas tout. Le rôle des parents, l’exemple des adultes et la responsabilité collective restent essentiels comme l’a souligné l’ancien premier ministre et désormais opposant Billy Bi Nze dans une publication Facebook.  Au-delà de l’agression d’un adolescent brillant, cette affaire  révèle une fragilité plus profonde : une jeunesse en perte de repères et un système éducatif qui peine à protéger ses élèves.

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