Vers une nouvelle ère dans le conflit RDC-RWANDA : lumière sur le discours de Tshisekedi à Bruxelles
« Je prends à témoin l'assistance ici présente et le monde entier pour lancer un appel à la paix, lui tendre la main et demander à ce qu'on arrête cette escalade ».
C’est un discours qui marque un tournant diplomatique important dans les relations RDC-Rwanda. En effet, le 9 octobre 2025, à Bruxelles, le président congolais Félix Tshisekedi a pris la parole dans un ton à la fois ferme et conciliant, appelant à une « paix des braves » entre les deux pays en proie depuis plusieurs années à une guerre sanglante. Une main tendue à son homologue Paul Kagame, alors que les tensions entre les deux pays n’ont jamais été aussi explosives depuis le début de la crise.
Mais derrière l’appel au dialogue, c’est une stratégie bien plus profonde qui se dessine : celle d’un repositionnement diplomatique du Congo sur la scène internationale.
Un tournant symbolique à Bruxelles
Le choix de faire ce discours à Bruxelles lors du Global Gateway forum n’est pas anodin. C’est depuis la capitale de l’ancienne puissance coloniale que Tshisekedi a choisi de parler de paix, quelques semaines après la condamnation du Rwanda par l’ONU pour son soutien présumé au M23 dans l’Est congolais.
Dans un ton mesuré, le chef de l’État congolais a salué cette décision, y voyant une « victoire de la vérité et du droit international ». Il en a par ailleurs profité pour réaffirmer la souveraineté du Congo face aux ingérences extérieures. Pour Tshisekedi, ce moment est doublement stratégique : il s’agit à la fois de redorer son image à l’international, et de se poser en leader régional capable d’ouvrir la voie à une désescalade, sans pour autant céder sur les principes de souveraineté et de sécurité nationale. Du côté rwandais, cette déclaration paraît plus comme une mascarade qu’autre chose. Le ministre des Affaires étrangères rwandais Olivier Nduhungirehe a d’ailleurs dénoncé sur le réseau social X une comédie politique ridicule accusant le président Tshisekedi de se faire passer pour une victime d'un conflit qu'il a lui-même provoqué.
Main tendue ou calcul diplomatique ?
Si le président Tshisekedi a tendu la main à Kagame, il a tout de même précisé que cette paix devait être fondée sur la justice, la vérité et la fin du soutien au M23. À Kinshasa, la posture présidentielle laisse plusieurs personnes sceptiques car elle s’apparente à une manœuvre politique destinée à rassurer la communauté internationale, notamment l’Union européenne, très préoccupée par l’instabilité régionale mais surtout à pointer du doigt Joseph Kabila, accusé de soutenir aussi le M23.
Mais une question reste en suspens : quel impact concret l’accord de paix tripartite, signé avec les États-Unis il y a quelques mois, aura-t-il sur la dynamique du conflit et sur la réalité du terrain ?
En tout état de cause, après des années d’isolement diplomatique, le Congo tente d’imposer un nouveau narratif : celui d’un État souverain, victime d’une agression, mais prêt surtout à négocier avec le Rwanda. Cette approche lui permet aussi de regagner des appuis auprès de partenaires clés, notamment l’Union africaine, où il plaide pour une responsabilisation accrue des pays membres face aux crises régionales.
Une paix à construire… sur des ruines encore fumantes
Si le ton de Tshisekedi se veut rassembleur, la réalité du terrain reste tragique. Dans la zone du Kivu et à Goma, les affrontements se poursuivent entre les FARDC et le M23. Les populations civiles continuent de fuir et d’être les premières victimes d’un conflit qui dure depuis des décennies.
La « paix des braves » dont parle Félix Tshisekedi reste donc une paix théorique et un exercice de rhétorique si elle ne se construit pas à Goma, Rutshuru et Bunagana, là où la souffrance quotidienne rend chaque promesse diplomatique fragile.
Pour beaucoup d’observateurs, le discours de Bruxelles représente moins une rupture qu’un début de repositionnement : celui d’un président qui, à l’approche d’échéances politiques nationales, veut apparaître comme l’homme du dialogue plutôt que celui du conflit.
Conclusion : un pari risqué mais nécessaire
En tendant la main à Kigali tout en célébrant la condamnation du Rwanda par l’ONU, Tshisekedi avance sur une ligne politique sensible. Il joue la carte de la diplomatie intelligente, consciente que la paix ne sera jamais totale sans un minimum de confiance mutuelle. Mais il prend aussi un risque : celui d’apparaître, aux yeux d’une partie de l’opinion congolaise, comme trop conciliant envers un voisin accusé d’agression.
Aussi, au-delà des déclarations et des symboles, l’efficacité réelle de l’accord de paix conclu avec les États-Unis semble aussi poser question et reste à mesurer dans les faits.
La balle est désormais dans le camp des deux capitales. Si cette main tendue se transforme en dialogue réel, Bruxelles restera dans l’histoire comme le point de départ d’une nouvelle ère entre Kinshasa et Kigali.